Le 13 septembre 2008, notre association découvrait l’histoire et les sites emblématiques de la ville d’Autun en Saône-et-Loire. Depuis, des fouilles archéologiques récentes ont livré des vestiges rares…
Quelques mots en préalable :
Située au bord du Morvan et accroché à un flanc du bassin de l’Autunois, la ville, orientée au Nord, s’étage depuis l’Arroux et ses petits affluents : le Ternin et l’Accaron, jusqu’aux collines de Montjeu.
Les bords de l’Arroux ont été habités depuis l’époque néolithique, mais la ville est une création purement romaine.
Autun est édifiée à l’initiative du premier empereur romain, Auguste (27 avant notre ère – 14 de notre ère), dont elle porte le nom, Augustodunum. Cadeau de Rome à un peuple allié de longue date, elle remplace la capitale gauloise des Éduens, l’oppidum de Bibracte situé sur le mont Beuvray.
La ville d’Autun devient l’une des plus importantes de Gaule du Nord, forte de son artisanat, de son rayonnement culturel et de sa position de capitale de cité.
Autun a gardé les traces visibles, monumentales, de ce passé impérial, mais d’autres, cachées, viennent de sortir de terre à l’occasion de fouilles menées de juin à septembre 2020 par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).
TOMBES D’ARISTOCRATES EDUENS ET GRANDE NECROPOLE DE L’ANTIQUITE TARDIVE
En 2020, une équipe d’archéologues l’INRAP mène une campagne de fouilles à Autun.
Des fouilles, sur prescription de l’Etat, qui portent sur une nécropole située à proximité de l’église paléochrétienne de Saint-Pierre-l’Estrier, l’une des plus anciennes d’Europe.
L’apparition de la nécropole intervient à l’aube de la christianisation du monde romain mais précède l’implantation des églises fondées à ses abords, notamment celle de Saint-Pierre-l’Estrier, au cours des 5e – 6e siècles.
D’anciennes sépultures de la Gaule avaient été découvertes sur le site, devenu un haut lieu de la chrétienté médiévale à la fin de l’Antiquité.
Les fouilles ont mis au jour 231 sépultures antiques qui témoignent de différents modes d’inhumation :
- On a beaucoup de personnes enterrées dans des cercueils en bois dont ne restent plus que les clous.
- Mais on a aussi trouvé des sarcophages en grès, des cercueils en plomb et aussi des tombes en bâtière, qui se caractérisent par une couverture en tuiles semblable au toit d’une maison. Les archéologues ont aussi dégagé les fondations de quelques mausolées.
LE SUMMUM DE LA VERRERIE ROMAINE
Le mobilier trouvé dans ces sépultures est rare… mais souvent précieux.
Ce sont des bracelets de jais ou des épingles taillées dans le même matériau, plusieurs bijoux en or – ici, des boucles d’oreilles découvertes dans une tombe d’enfant, là, un bracelet ou encore une bague ornée d’un grenat –, un lot d’épingles en ambre « sans comparaison dans le monde romain », assure Nicolas Tisserand, archéologue à l’INRAP.
Plusieurs tombes ont gardé la trace, parfois infime, de tissus faits de fils d’or.
Mais la trouvaille la plus exceptionnelle fut celle d’un sarcophage de pierre qui a livré un remarquable vase ‘‘ diatrète’’ daté du 4e siècle de notre ère.
Le vase dans sa gangue de boue – Photo INRAP
Il s’agit d’un vase, lui-même enchâssé dans une sorte de cage finement ouvragée, le tout en verre. Ce type d’objet était considéré comme le summum de la verrerie romaine.
Un vase diatrète est un type de vase en verre réticulé de la fin de l’époque romaine, autour du 4e siècle, considéré comme l’aboutissement des réalisations romaines dans la technique du verre.
‘‘C’est le premier exemplaire entier découvert à ce jour en Gaule », explique Michel Kasprzyk, archéologue, ajoutant ‘‘il s’agit d’une rareté archéologique ; on ne compte actuellement qu’une dizaine de vases diatrètes complets dans le monde antique ».
Le dernier exemplaire intact a été découvert à Taranes (Macédoine du Nord) dans les années 1970.
Le vase rénové lors de son exposition à Autun en 2021
Ce vase « rarissime », haut de 12 cm pour un diamètre de 16 cm, est orné de motifs décoratifs sculptés, rehaussés de lettres en relief sur tout son pourtour, toutes intactes, formant les mots « VIVAS FELICITER » (Vis en félicité).
Extrait de la gangue boueuse du sarcophage de pierre, ce vase fragile se trouvait fragmenté mais complet.
Il a été confié au Musée central romain- germanique à Mayence (Allemagne).
Après restauration et étude, cette pièce exceptionnelle, a retrouvé fière allure, et est de retour à Autun où elle a été présentée en octobre 2021.
Depuis, le vase a retrouvé les réserves du musée Rolin d’Autun.
Ces découvertes exceptionnelles, rarissimes, sont des pistes intéressantes pour l’étude de l’aristocratie d’Autun précocement christianisée au début du 4e siècle ».
LA PLUS ANCIENNE TRACE D’UTILISATION DE L’AMBRE GRIS
L’usage des vases diatrètes reste encore bien mystérieux pour les archéologues.
Assurément ils restent liés à des personnalités proches du pouvoir impérial ; s’agissaient-ils de cadeaux diplomatiques, d’objets en relation avec le concile des évêques ? ‘‘On peut imaginer qu’ils étaient offerts aux évêques à l’issue du concile, ou bien que ces derniers souhaitent s’offrir ce genre de vase une fois rentrés chez eux, mais aucun texte ne fait mention de telles pratiques’’ avance Carole Fossurier, chargée de recherches à l’INRAP.
Le contenu était sans aucun doute plus important que le contenant.
Et pour cause : dans le vase retrouvé à Autun, des analyses d’imprégnation ont permis de mettre en évidence les ingrédients d’une mixture dont il était rempli au moment de l’inhumation du défunt.
Ont été détectés un mélange d’huiles, des plantes et des fleurs ( parmi lesquelles du clou de girofle, de l’anémone ou encore du bois de conifère) mais surtout de l’ambre gris, ou ambre de baleine, une substance très rare et précieuse qui n’est autre que de la concrétion intestinale de cachalot, particulièrement odorante, appelé aussi ‘‘vomi de baleine’’ ou encore ‘‘truffe de mer’’ dont la découverte relève de l’exception : ‘‘Cette année par exemple, on a recensé seulement deux trouvailles dans le monde, en Indonésie et en Angleterre, les chances d’en trouver sont donc très faibles, quelle que soit l’époque.’’ souligne Nicolas Tisserand.
Or, la plus ancienne mention connue d’ambre gris remonte au tournant du 5e siècle et du 6e siècle, chez un médecin grec du nom d’Aetius d’Amide. Ce dernier évoque l’ambre de baleine comme le composant d’une recette de ‘‘nard’’, un parfum destiné à l’église.
Collecté sur les plages, il aurait été utilisé comme un liant pour ce type de fragrances.
En révéler la trace à Autun est d’autant plus inattendu que le laboratoire n’avait que peu de chances de reconnaître les propriétés chimiques de cette substance très rare : ‘‘Heureusement, le chimiste avec qui nous avons collaboré avait auparavant travaillé avec l’industrie de la parfumerie et isolé la molécule de l’ambre gris, qu’il a reconnue dans le vase.’’ relate l’archéologue.
Dès lors, le vase diatrète d’Autun devient la plus ancienne preuve archéologique de l’utilisation de cette substance d’exception !
SUR LA PISTE DES PREMIERS CHRETIENS…
La substance que renferme le vase aurait-elle un lien avec le nard, ce parfum d’église mentionné par Aetius d’Amida et pourrait-il toutefois s’agir d’une préfiguration de l’huile sainte de l’extrême-onction utilisée dans les rites chrétiens ?
Alors, la tombe dans laquelle le vase a été trouvé serait-elle celle de l’un des premiers évêques de France ? La question reste posée car trop peu d’éléments permettent de l’affirmer !
Hélas, les ossements du défunt, très fragmentaires, ne contiennent plus assez de collagène pour espérer une datation au carbone 14.
Il est encore trop tôt pour dire quelle était la population de ce cimetière, mais ces dépôts funéraires luxueux confirment ce que les textes anciens disaient déjà :
- A savoir qu’il existait à Autun une aristocratie, importante et riche, dont certains membres se retrouvaient dans l’entourage des empereurs Constance Ier et Constantin Ier qui régnèrent au début du 4e siècle.
- Et que les premiers évêques d’Autun étaient inhumés dans ce vaste espace funéraire de 3 ha.
‘‘Nous fouillons, c’est votre histoire’’, telle est la devise de l’INRAP !
Texte proposé par Solange Bouvier
Sources textes et photos :
INRAP – Sciences et Avenir, décembre 2021
Les Cahiers Sciences & Vie, Mars-avril 2022
Internet
Boucles d’oreilles en or trouvées dans cercueil de plomb
d’un jeune enfant – Photo INRAP
Ensemble exceptionnel d’épingles en ambre,
du 4e siècle, trouvé au pied d’un défunt