Les poètes ont célébré le mois de mai comme le mois des roses et de l’amour, l’époque du réveil de la nature et de sa fécondation. Mais, d’autre part, on l’a regardé souvent comme un mois dangereux et décevant.
De ce fait, les Anciens avaient voué au mois de mai une véritable rancune. Ils l’appelaient un mois néfaste et recommandaient de ne rien entreprendre durant cette époque de l’année.
Ils refusaient même de se marier en mai, et Horace a immortalisé cette superstition dans ses vers :
« Les flammes de l’hymen qui s’allumeront pendant le mois de mai, a-t-il dit, se changeront bientôt en torches funèbres. »
Ce préjugé n’avait pas encore complètement disparu au début du 20e siècle, les statistiques de l’état civil montrant que les mariages étaient infiniment plus nombreux en avril et en juin qu’en mai !
De toutes les traditions qui le concernent, une seule a réellement survécu, celle qui en fait la saison des métamorphoses, l’époque bénie du renouveau.
I – LES COUTUMES REGIONALES
En maintes régions, on célébrait avec le premier jour de mai, le véritable retour du printemps.
A Lons-le-Saulnier et Château-Chalon (Jura), le 1er mai, les jeunes filles de douze à quinze ans prenaient l’enfant le plus joli qu’elles pouvaient trouver, le paraient de beaux habits, le couronnaient de fleurs et le portaient de maison en maison en chantant.
‘‘Etrennez notre Epousée,
Voici le mois, le joli mois de mai,
Etrennez notre Epousée,
En bonne étrenne,
Voici le mois, le joli mois de mai,
Qu’on vous amène.’’
En Alsace, notamment, on allumait de grands feux de joie la nuit du 30 avril au 1er mai, et l’on donnait la représentation de la lutte entre deux personnages figurant l’Hiver et l’Eté. L’Hiver, tout naturellement, succombait et on l’enterrait, comme on enterre quelquefois Carnaval, tandis que l’Eté, couronné de roses, était porté en triomphe.
En Lorraine, c’était un jour de joie populaire consacré surtout à fêter la jeunesse et la grâce. On chantait des trimazos, sorte de poèmes de circonstance tour à tour pieux ou badins.
Ces trimazos devaient leur nom au fait qu’ils étaient chantés par trois jeunes filles vêtues de robes blanches, qui allaient de maison en maison chanter et danser pour célébrer la fête du printemps. On leur donnait, en retour, des œufs ou de l’argent.
Mais le premier jour de mai ramenait jadis dans nos campagnes une coutume que l’on pratiquait à peu près dans toutes les régions : il s’agit de la plantation du mai.
Dans l’Europe médiévale, il était d’usage d’esmayer (de planter un arbre vert, sans racine, appelé le mai) que l’on plantait d’ordinaire le premier jour de ce mois, soit devant la porte, soit sur le toit de la maison habitée par une personne à laquelle on voulait faire honneur.
Les amoureux timides trouvaient là l’occasion d’exprimer leurs sentiments à celles qu’ils aimaient.
Et il advint que ces arbustes, suivant qu’ils étaient de telle ou telle essence, prennent un sens symbolique déterminé (cf. encart).
Ainsi, les jeunes gens faisaient aux filles du village aveux ou reproches ; et, devant les maisons, des rondes s’organisaient, dont chacun reprenait le refrain, (cf. encart Plantons le mai).
Le mai avait un double caractère, c’était :
- Soit, un hommage aux personnes de qualité, tel le mai que les clercs de la basoche[1] allaient planter dans la cour du Palais de Justice à Paris, en l’honneur des magistrats du Parlement ;
- Soit, une galanterie des amoureux, à l’objet de leur tendresse.
De cette dernière coutume, on avait, au 14e siècle, formé le joli verbe ‘‘émayoier’’ ou donner le mai, que l’on trouve dans une poésie de Jehan Froissart, chroniqueur (1337-1410) :
‘‘Pour ce vous veux, Madame, émayoier
Au lieu d’un may, d’un joli cœur que j’ai’’
[1] La basoche était une corporation d’étudiants, de juristes comprenant notaires, huissiers, juges, avocats, procureurs et gens de justice et résidant au Palais royal de l’île de la Cité (actuel Palais de justice), sous l’Ancien Régime.
La plantation du mai. Peinture attribuée à Pierre-Antoine Quillard
En certaines contrées, cet usage devint même une obligation féodale.
Le premier mai, on érigeait sur les prés communaux des mâts enrubannés et décorés avec du muguet et des aubépines. La coutume de planter un mai dans les villes subsistait encore au 17e siècle, bien que le concile de Milan ait proscrit cet usage en 1579. En 1610, à Paris, on planta un mai dans la cour du Palais qui reçut alors le nom de Cour du Mai.
A savoir qu’aujourd’hui encore, l’Arbre de mai, le Maibaum, est particulièrement présent dans le Sud de l’Allemagne.
Dans les villages de Bavière, de Souabe ou de Rhénanie, la tradition veut que l’on dresse un mât en bois orné d’une girouette ou de blasons. C’est l’occasion d’organiser des réjouissances arrosées aux sons des fanfares. L’un des attraits de la fête consiste à subtiliser nuitamment l’arbre du village voisin.
Dans notre région dauphinoise :
Dans plusieurs communes du département de l’Isère, on élisait, le 1er mai, un Roi et une Reine, que l’on choisissait parmi ceux dont les mœurs étaient pures, et qui s’étaient distingués par leur vertu ; on les élevait sur un trône exposé aux regards des passants.
II – LES TRADITIONS
Mai, aux temps antiques, était l’époque où la navigation, interrompue pendant l’hiver, reprenait. Les galères quittaient en grand nombre les ports de la Méditerranée, se dirigeant vers l’Egypte et les côtes d’Afrique pour échanger les parfums et les tissus de l’Orient contre les vins et les métaux de la Gaule et de l’Italie.
Mai aurait aussi sa place dans une histoire des assemblées législatives.
C’est en mai, en effet, que les Carolingiens tenaient leurs assemblées politiques. Les Francs avaient coutume de réunir tous les ans, d’abord en mars, leurs guerriers, dans un lieu consacré qu’on appelait le ‘‘Champ de Mars’’.
Sous Charlemagne, la date de l’assemblée fut reculée jusqu’en mai. Ces réunions disparurent après la ruine de l’empire carolingien : les ‘‘champs de mai’’ furent remplacés par les États Généraux.
Les corporations du Moyen Age fêtaient aussi le 1er mai. Parmi celles-ci :
La corporation des orfèvres de Paris était dans l’usage de faire un présent tous les ans à l’église de Notre-Dame, le premier jour de mai.
Le 1er mai 1449, ils plantèrent, devant le maître-autel en signe de dévotion à Marie, un arbre vert qu’on nomma le mai verdoyant. Par la suite, ils élisent deux d’entre eux pour présenter le mai, qu’on appelait les princes du mai.
En 1499, ils ajoutèrent au mai, une œuvre d’architecture en forme de tabernacle, avec des sonnets, rondeaux et autres pièces de poésie.
En 1533, le tabernacle était orné de petits tableaux représentant l’histoire de l’Ancien Testament. On les appelle les petits Mays ; A cette date, le mois de mai s’écrit May.
En 1608, ils offrirent trois tableaux avec le tabernacle.
Enfin, le présent de mai fut converti en un tableau votif qu’un appelait, tableau de mai ; le sujet était tiré ordinairement des Actes des Apôtres. Le tableau de mai restait exposé devant le portail les premiers jours du mois, et pendant le reste de ce mois, il était suspendu dans la chapelle de la Vierge.
Avec la Renaissance, la peinture religieuse de grand format apparait dans les églises.
A partir de 1630, de grandes toiles de plus de trois mètres de hauteur, illustrant les actes des apôtres, remplacent les petits Mays.
En 1708, la corporation des orfèvres est dissoute en raison de difficultés financières. De fait, les commandes cessent.
Les révolutionnaires saisissent les grands Mays, comme les autres biens ecclésiastiques, en 1793.
Sur 73 tableaux commandés par la confrérie des orfèvres entre 1630 et 1707, seuls 51 se retrouvent encore au musée Petits-Augustins ou au Louvre.
C’était aussi le 1er mai que, jadis, les grandes eaux jouaient à Saint-Cloud.
La galiote de Saint-Cloud sur la Seine
Les bourgeois parisiens ne manquaient jamais de se rendre à cette fête de banlieue, au moyen d’un bateau qui s’appelait la Galiote (ou coche d’eau) – d’une capacité de plus de 100 personnes dès 1539 – et que des chevaux, attelés à de longues cordes, hâlaient à la façon des bélandres[1] de nos canaux.
[1] Le mot bélandre vient du néerlandais bei lander, bei signifiant ‘‘à proximité de’’ et land, ‘‘ la terre’’.
Saint-Cloud : la Grande cascade, jour des grandes eaux
C’était, depuis les Tuileries jusqu’à Saint-Cloud, un interminable voyage qui durait plusieurs heures.
Ce mois inspira un certain nombre de proverbes.
La plupart concernent l’agriculture. Ils nous indiquent, en général, que la pluie en mai n’est pas souhaitable. Ils nous mettent en garde contre le retour possible d’un peu de froid :
Saint Mamert, saint Servais, saint Pancrace,
Ce sont toujours de vrais saints de glace.
Et, ils nous conseillent de ne pas nous alarmer si nous sommes parfois un peu fiévreux pendant ce mois :
Qui a de la fièvre au mois de mai,
Le reste de l’an vit sain et gai !
La coutume d’offrir du muguet le 1er mai comme porte-bonheur, comme vous le savez, nous vient du roi Charles IX.
La tradition ne dura cependant guère, et il fallut attendre 1900 pour la voir ressurgir.
La scène se passe dans les bois de Chaville, en région parisienne, où les plus grands couturiers organisent une fête. Ils souhaitent célébrer les femmes en invitant aux réjouissances non seulement les clientes mais aussi les petites mains.
Personne n’est oublié ni favorisé et chacune reçoit son bouquet de muguet. Cet événement serait à l’origine de la renaissance de la coutume d’offrir un brin de muguet le 1er mai.
Dès lors, les derniers jours d’avril, les bois qui forment alors à Paris une ceinture de verdure sont envahis par la foule à la recherche de la jolie fleur aux clochettes d’argent.
Le pays du muguet, c’est la forêt de Rambouillet, dans toutes ses parties, et plus particulièrement du côté des Yvelines.
Félix Mayol porte
le muguet à la boutonnière
Quelques années avant la seconde guerre mondiale, la ville de Rambouillet n’avait-elle pas institué une fête du muguet qui, chaque 1er mai, était un hommage renouvelé à la fleurette parfumée dont l’éclosion marque le retour des beaux jours ?
Aucune Parisienne n’aurait oublié de mettre le 1er mai un brin de muguet à son corsage !
Aucun Parisien n’aurait négligé de glisser à sa boutonnière un petit bouquet de la fleur aimée !
Paris qui, à en croire une statistique de l’avant-guerre, achetait alors pour plus de cinquante millions de fleurs ; Paris avait une tendresse particulière pour le muguet.
Que ce muguet du 1er mai,
soit un porte bonheur !
Texte proposé par Solange Bouvier
Sources et photos : La France pittoresque – Internet