A l’époque féodale et sous l’Ancien Régime, être noble est une distinction protocolaire héréditaire associée à des privilèges (dont l’exemption d’impôts), mais aussi des devoirs comme l’appel au ban (également appelé « l’impôt du sang » pour justifier l’exemption d’impôts), ou encore l’interdiction d’exercer des professions lucratives (commerce, artisanat ou banque).
On peut classer la noblesse française subsistante selon trois origines :
- Noblesse ancienne acquise avant 1789 ;
- Noblesse d’Empire obtenue entre 1808 et 1814 ;
- Noblesse récente obtenue depuis la Restauration
Cependant, l’idée que l’on se fait de la noblesse est aujourd’hui conditionnée par la société d’Ancien Régime, héritière de la noblesse médiévale, mais la noblesse ne se définissait pas au Moyen Age comme elle se définira sous l’Ancien Régime et à l’époque moderne.
La noblesse existait déjà chez les Gaulois, les Romains et les Francs ; elle n’a donc jamais cessé d’exister et a évolué durant les douze siècles de royauté franque puis française. Elle a connu un renouvellement du fait des guerres, des familles ont accédé à la noblesse par agrégation, d’autres ont été anoblies.
Une question d’importance est celle de l’origine de la noblesse qui comme ordre, joua un si grand rôle dans notre histoire.
1. A l’origine des ordres de noblesse
Il exista bien sous les deux premières dynasties royales[1], chez le peuple gallo-franc, des individus nobles ? c’est-à-dire libres, ils ne formèrent pas en dépit de leurs privilèges ce qu’on a appelé depuis un ordre de noblesse.
Les rois Francs conservèrent dans leur royaume l’institution nobiliaire romaine, système de délégation de la publica potestas ; l’exercice de ce pouvoir public n’était pas héréditaire. L’hérédité apparaitra plus tard sous les Carolingiens.
En observant la population gallo-franque sous les premières dynasties royales, on trouve quatre classes analogues aux quatre ordres existant en France à la veille de la Révolution française :
- Les grands correspondant aux pairs du 18e siècle ;
- Les francs ou ingénus correspondant aux nobles ;
- Les tributaires qui correspondent aux bourgeois et aux roturiers ;
- Les esclaves qui semblent correspondre aux domestiques.
Ces distinctions sont fondées sur les fonctions ou prérogatives dans l’ordre social, les lois anciennes des compositions, et la distinction des propriétés.
Certains historiens font remonter la noblesse à la fondation de la monarchie de Clovis, d’autres pensent qu’elle est d’origine ou d’institution féodale.
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Les Grands
Les grands, qui correspondent aux pairs et grands officiers de la couronne de la fin du 18e siècle, étaient désignés sous les titres de magnates, optimates, principes, proceres.
Quelques chartes spécifient d’une manière précise les dignités qui donnaient ces titres. Elles les citent, comme formant les grands de l’État, les évêques, les ducs, les comtes et les principaux officiers.
Les grands possédaient donc les duchés, les comtés, les grands bénéfices et les grands offices.
On les appelait aussi grands vassaux ou vassaux du roi (vassali dominici). Ils composaient, sous la dynastie carolingienne, les assemblées d’automne, dirigeaient et présidaient les assemblées du printemps, et formaient en tout temps le conseil du roi. Ils avaient, dans les délits, un tarif de composition supérieur à celui des simples Francs.
[1] Mérovingienne et Carolingienne
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Les francs ou ingénus
La classe des hommes francs ou ingénus, correspondant à l’ordre de noblesse, avait pour premier caractère de ne payer aucun tribut.
La pleine liberté, soit de sa personne, soit de sa possession, était ce qui composait principalement la franchise.
Cependant les hommes de cette classe pouvaient s’engager à volonté pour l’hommage et le service militaire. Ils devenaient alors vassaux. On les trouve désignés communément sous ce titre, au commencement de la dynastie capétienne.
Ils possédaient soit la propriété franche, qu’on appelait alleu, soit cette espèce de propriété assujettie, mais noble, qu’on appelait bénéfice.
II fut ordonné qu’il en serait fait preuve par huit témoins du côté paternel, et quatre du côté maternel. Telles furent, depuis, et lors de la fondation, les preuves exigées pour l’admission dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem !
Ils jouissaient de grands privilèges dans l’ordre judiciaire, et formaient conjointement avec les grands de l’État les assemblées des Champs de Mars et de Mai.
De grands avantages étant attachés à la condition de franc, et cette qualité faisait fréquemment l’objet de contestation.
Ainsi, on cite l’exemple d’une église qui voulait traiter un individu comme colon ; celui-ci s’en défendait en disant qu’il était né d’un père franc ou d’une mère franque.
Règne du roi de Reims mérovingien, Thierry Ier, l’un des quatre fils de Clovis :
Les Francs Ripuaires (Rhénans) approuvent en 517 leur constitution par leur signature
Gravure extraite de Geschichte des deutschen Volkes, par Wilhelm Zimmermann (1873)
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Les tributaires
Les tributaires n’avaient que des demi-possessions. Les terres qu’ils cultivaient ne leur appartenaient pas en propre.
Ils ne pouvaient ni les abandonner, ni les aliéner ; toutefois ils en demeuraient détenteurs, tant qu’ils en payaient les tributs.
Ils étaient regardés par cela même, on le voit dans les chartes, comme appartenant au droit public, ad jus publicum pertinentes.
Ils étaient compris au premier degré dans la loi des compositions.
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Les esclaves
Les esclaves n’avaient, comme on sait, ni propriété, ni existence civile, ni composition.
Cet ordre des rangs prouverait deux sortes de noblesse :
L’une, toute d’illustration, résultant de la faveur du prince et de l’occupation des grandes charges ; quoique la plus éclatante, peut être regardée comme précaire à quelques égards, puisqu’elle tient à des honneurs révocables à volonté, ou donnés seulement à vie.
L’autre, toute d’indépendance, résultant de la pleine liberté de sa personne, de sa famille et de sa terre. Indépendante du prince, elle provient du fait seul de la naissance et de la possession.
François Dominique de Montlosier (1755-1838) rappelle qu’à l’époque moderne on a vu anoblissements et dérogeances, soit un passage continuel des conditions les plus élevées aux conditions les plus basses, et des conditions les plus basses aux plus élevées.
Et d’ajouter, qu’on voit le même mouvement sous les temps anciens des deux premières dynasties royales ; si les mots anoblissement et dérogeances n’existent pas encore, la chose existe bien.
On voit également dans les capitulaires, que, non seulement des colons, mais des esclaves, avaient été investis de grandes dignités.
Leudaste, esclave boulanger, à qui on avait coupé les oreilles à cause de ses friponneries, n’en fut pas moins fait comte de Tours, sous Charibert – grand-père maternel de Charlemagne – qui vécut durant la première moitié du 8e siècle.
Anoblissements
‘‘D’après la loi des Ripuaires, on pouvait élever son esclave à la qualité de tributaire ; on pouvait le faire citoyen romain.
Il suffisait dans une charte, de déclarer qu’on lui avait conférer cette qualité, et ouvert en conséquence, les portes de la maison.
Ce citoyen romain n’était pas pour cela franc – ce n’était qu’un affranchi désigné par le nom de chartulaire (chartularius).
Pour conférer la qualité de franc, qui était un véritable anoblissement, il fallait amener celui qu’on voulait ainsi anoblir devant le roi, jeter un denier en l’air, et expédier une charte d’ingénuité.
Ces anoblis, qu’on appelait pour cette raison dénariés, faisaient désormais partie de l’ordre des Francs, et participaient à tous leurs avantages.’’
Parmi les dérogeances
Pour cause de mésalliance, la loi des Ripuaires (7e siècle) règle que dans ce cas, les enfants subiront le sort de celui des parents qui se trouvera d’une condition inférieure.
Pour cause de mariage entre parents, la loi des Bavarois porte la peine expresse de servitude.
La dérogeance le plus commune, c’est lorsqu’un homme franc ou ingénu, forcé par la détresse, venait à la cour d’un seigneur pour lui offrir les cheveux du devant de sa tête. Il descendait ainsi dans la condition des tributaires.
Les Francs étaient libres, mais ils n’étaient pas seuls en possession de la liberté.
Tous les hommes libres, quelle que soit leur origine, Celtes, Galls, Phocéens, Romains, Goths, Burgondes, Vascons, etc., et quelles que soient leurs fonctions, prêtres, magistrats, guerriers, etc., prenaient part aux affaires publiques et aux assemblées générales : ils constituaient, non pas la noblesse, mais la nation.
Vers les 12e – 13e siècle, la société est déjà divisée en trois ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent.
Ainsi l’évolution vers cette partition sociale à trois niveaux fondamentaux s’est produite lentement.
L’affranchissement des communes (villes qui, au Moyen Age, avaient acquis vis-à-vis du seigneur ou du souverain une situation d’indépendance et d’autonomie assez analogue à celle dont jouissaient les fiefs) donna l’existence politique à une troisième classe de personnes qui prit le nom d’ordre des communes ou tiers état.
2. L’anoblissement en France
On imagine souvent que l’anoblissement résulte de « lettres de noblesse » décernées par le roi, voire
– dans des cas de bravoure exceptionnelle –, de «lettres patentes» (celles-là même qu’évoque par exemple Alexandre Dumas dans Les trois mousquetaires).
On sait aussi que l’occupation de certaines charges permet d’être anobli : c’est la noblesse administrative, qu’on appelle « noblesse de robe », par opposition à la « noblesse d’épée », qui, d’origine guerrière, est considérée comme plus authentique – d’autant plus que ces charges pourront par la suite être achetées (d’où leur surnom de « savonnette à vilain ») – .
Mais, contrairement à ces idées reçues, la noblesse était un milieu beaucoup plus ouvert qu’on ne l’imagine parfois et le principal processus d’entrée dans la noblesse est en réalité celui de l’agrégation, qui court sur trois générations environ.
L’agrégation consiste à partager les valeurs et le mode de vie de la noblesse en adoptant les normes sociales considérées comme nobles (rôle guerrier, absence de travail manuel, etc.) : ainsi, durant tout le Moyen Age et le début de l’époque moderne, il suffisait de vivre noblement pendant trois générations pour devenir noble.
La noblesse a longtemps été un état de fait, un rang social plus qu’un statut juridique clairement délimité : c’est une vie noble qui faisait la noblesse.
Ainsi, rares sont celles, parmi les vieilles familles, à être anoblies par lettres de noblesse ou lettres patentes pour fait d’armes ou service rendu : la voie la plus courante est la « maintenue de noblesse » qui constate une vie noble depuis trois générations.
C’est ce que l’on appelle la noblesse d’extraction et, contrairement aux apparences (l’entrée par la petite porte), c’est la noblesse la plus prestigieuse parce que la plus ancienne.
C’est d’ailleurs ce qui donne la qualification de «gentilhomme».
Un gentilhomme est en effet un noble d’extraction, c’est-à-dire un noble de naissance – à la différence des nobles anoblis par charge ou par «lettres patentes» qui sont nobles sans être pour autant gentilhommes –.
C’est la raison pour laquelle Louis XIII décida d’anoblir non pas Corneille mais son père, de façon à ce que Pierre Corneille puisse être qualifié de gentilhomme….
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A l’époque féodale
En France, le pouvoir d’anoblir a d’abord appartenu à tous les seigneurs qui pouvaient armer des chevaliers, puis, à partir du 15e siècle, il est uniquement réservé au roi.
Au Moyen Age, est considérée comme noble toute personne portant les titres de chevalier ou d’écuyer.
La chevalerie, qui apparaît autour du 12e siècle, est à l’origine une population au service des grandes familles héritières de l’aristocratie carolingienne et propriétaires de vastes domaines fonciers.
La définition des privilèges de la noblesse n’apparaît qu’au 15e siècle, lorsque le roi définit les conditions d’accès à la noblesse et les privilèges dont elle jouit. Avant cela, la noblesse est donc une place dans la société conférée par un rang dans la hiérarchie féodale.
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L’ancien régime
Avec les premiers anoblissements spécifiés par un acte écrit, les rois de France ont introduit une nouvelle forme d’intégration qui se révéla finalement plus facile à contrôler.
La vérification des titres de noblesse lancée par Colbert en 1662 marque la clôture du « second ordre » auquel on ne pourra plus accéder que par un anoblissement en bonne et due forme. La noblesse se caractérise alors par ses privilèges fiscaux (exemption de la taille), politiques (accès aux assemblées des États provinciaux), de carrière (dans l’armée notamment), honorifiques (préséance à la Cour) et judiciaires (elle est jugée par un tribunal spécifique : le parlement).
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La Révolution
Si la Révolution française a aboli les privilèges, elle n’a pas aboli les titres de noblesse : les titres nobiliaires sont donc toujours en usage et quand ils sont réguliers, c’est-à-dire enregistrés auprès du Garde des Sceaux, ils existent juridiquement comme une extension du nom, bien qu’ils ne confèrent aucun privilège.
Le protocole élyséen continue ainsi à envoyer des cartons d’invitation rédigés, le cas échéant, avec l’appellation et le titre adéquats.
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La sortie de la noblesse, dérogeance et déchéance
La noblesse ne se transmet pas toujours, car les générations suivantes doivent pouvoir vivre noblement, disposer de fiefs et participer à l’armée féodale et ou au service du roi.
Le statut nobiliaire étant la traduction juridique d’une position sociale, de la même façon que l’on pouvait devenir noble en vivant noblement, on pouvait perdre sa noblesse en cessant de vivre noblement.
Comment ?
En exerçant une activité manuelle ou mercantile, jugée avilissante (le noble se doit en effet de vivre de ses rentes et ne peut exploiter que son domaine).
Des professions qui dérogeaient ou non
Par exemple, les métiers de marchand, d’artisan, de domestique et les offices subalternes (huissier, sergent, procureur, notaire).
De même, la prise de terres en ferme dérogeait ; en revanche, le noble qui labourait ses propres terres ne dérogeait pas.
Le métier de charpentier n’entraine pas de dérogeance, dans la mesure où Joseph, le père de Jésus, était charpentier et qu’il s’agit donc d’un métier qui n’était pas considéré comme infamant !
La dérogeance consiste donc à faire des actes indignes d’une personne noble : son effet est alors de faire suspendre, les privilèges de la noblesse (le noble est concrètement mis à la taille).
À la différence de la déchéance, qui consiste à ramener une famille noble à l’état roturier (lors d’une condamnation infamante qui fait perdre la noblesse, par exemple), la dérogeance ne supprime donc pas la noblesse : elle ne fait qu’en interdire ou en suspendre les privilèges.
Une lettre dite « de réhabilitation » accordée par le roi permettait cependant de recouvrer la noblesse pleine et entière.
Depuis la Révolution et le vote du décret du 4 août 1789, il est stipulé que « nulle profession utile n’emportera dérogeance » (article 11).
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Du bon usage de la particule
La particule ne peut en aucun cas être prise comme une marque de noblesse (pas plus d’ailleurs que son absence empêche d’être noble : pour preuve l’exemple des rois de France qui portaient tout simplement Capet pour patronyme)
La particule de ou d’ ne prend jamais de majuscule – même si l’on est pas noble -.
La raison en est simple : puisque, comme mentionné ci-dessus, la particule n’indique nullement la noblesse, il n’y a aucune raison d’établir une distinction ; elle n’a aucune valeur nobiliaire ou non.
On écrit ainsi : Charles de Gaulle, bien qu’il ne soit pas noble.
Il n’y a qu’une seule exception à cette règle. Il s’agit des cas où la particule de, est elle-même déjà précédée par la préposition de.
Ainsi on écrit : le discours de De Gaulle.
Texte proposé par Solange Bouvier