LES SAINTS DE GLACE, QUI ETAIENT-ILS ?
Les Saints de glace sont une période climatologique située, selon les observations populaires européennes du Haut Moyen Âge (dès l’an 476), autour des dates des fêtes de Saint-Mamert, Saint- Pancrace et Saint-Servais, traditionnellement célébrées les 11, 12 et 13 mai de chaque année.
Ils ont la réputation d’amener la froidure en plein milieu du joli mois de mai – le phénomène de gelée nocturne à cette époque étant communément appelé lune rousse –, d’où le surnom qui leur fut infligé mais que leur existence ne justifie en rien.
Ce refroidissement est craint car les cultures sont alors en pleine maturation.
Lors du Concile de 1960, l’Eglise catholique les a bannis du calendrier, estimant que ces croyances populaires donnaient lieu à des réminiscences païennes. Ils sont désormais remplacés par Sainte-Estelle, Saint-Achille, Sainte-Rolande et Saint-Matthias.
1. Saint Mamert (mort vers 475) est célébré le 11 mai
Il serait peut-être né à Lyon. Ce dont on est sûr c’est qu’il devint prêtre un demi-siècle avant le baptême de Clovis et toute sa vie dans l’Église se déroula durant les invasions des barbares.
Évêque de Vienne vers 463, il était présent quand les Burgondes s’installèrent dans la vallée du Rhône, répandant l’arianisme en même temps que les Wisigoths de Toulouse.
Mais il est surtout célèbre pour avoir institué la prière des « Rogations » vers 470 à la suite de plusieurs tremblements de terre, inondations et sécheresses.
Il imagina de faire trois jours de suite de processions dans les champs, des supplications publiques avec jeûne, juste avant la fête de l’Ascension pour demander l’aide de Dieu et l’éloignement des calamités.
Les malheurs de la Gaule, en ce temps-là, rendirent fréquente l’occasion de ces prières publiques qui assemblaient dans un vœu commun des foules nombreuses.
Le pape Léon III rendit les Rogations obligatoires dans toute l’Église au 9e siècle.
Saint Mamert de Vienne. Gravure (colorisée ultérieurement) de Diodore Rahoult (1819-1874)
Il serait mort vers 477. Son sarcophage, retrouvé dans les années 1860 est conservé dans l’ancienne église Saint-Pierre de Vienne (en Isère), aujourd’hui musée archéologique Saint-Pierre.
Saint Mamert a laissé le souvenir d’un bon pasteur, homme pieux, volontaire et soucieux des besoins de ses ouailles, même les plus élémentaires.
2. Saint Pancrace, Pancrace de Rome (290– 304) est célébré le 12 mai
Quant à saint Pancrace, il y a deux saints de ce nom, mais assez dissemblables pour que la tradition ne les ait pas confondus.
Martyre de saint Pancrace.
Enluminure extraite de La légende des saints
Manuscrit français par Jacques de Voragine (1228-1298)
L’un fut envoyé par saint Pierre en Sicile comme évêque de Taormina, où il mourut martyr : il est honoré le 3 avril, et il n’est pas un saint de glace.
L’autre était un jeune homme plein de foi et plein de vaillance, un adolescent.
Il avait quatorze ans lorsque sévit la persécution de Dioclétien, empereur romain ayant régné de 284 à 305.
Sa famille était chrétienne ; son oncle paternel et tuteur, qui s’appelait Denis, fut mis aux fers.
Pancrace, que Denis exhortait par la parole comme par l’exemple, affirma ses sentiments religieux et fut martyrisé : on rapporte que c’est lui qui, le premier, subit le supplice de la décollation.
Le corps du jeune martyr fut recueilli et inhumé.
Ses reliques sont vénérées à la basilique San Pancrazio, à Rome, érigée en son honneur en 604, tricentenaire de son martyr. Dès le temps de Grégoire de Tours (6e siècle)°, il est vénéré en France. Son culte devint très vite populaire.
Saint Pancrace incarne l’innocence et la foi de l’enfance. Son nom est issu du grec ancien et signifie « le tout puissant ».
Saint Pancrace est le patron, des enfants, des adolescents et des gens de bonne foi.
En Corse, il est le saint patron des bandits corses (pour des raisons non élucidées……)
3. Saint Servais ou Servatius (300 – 384) est célébré le 13 mai
Il serait né en Arménie, aurait été ordonné prêtre à Jérusalem, avant de rejoindre Tongres – ville flamande de l’actuelle Belgique -, alors importante cité gallo-romaine.
Il a été évêque de Tongres, après avoir été évêque de Troyes. Son histoire n’est pas très bien connue ; les hagiographes racontent que Servais eut, à plusieurs reprises, besoin de quitter son diocèse pour assister à des conciles.
Saint Sylvestre assis à côté de saint Servais avec sa clef reçue de saint Pierre.
Enluminure extraite du Livre d’images de Madame Marie (également appelé Images de la vie du Christ et des saints)
Manuscrit français, vers 1285
Ainsi, il prit part au concile de Rimini, où il défendit avec une vive éloquence le dogme de la Trinité, dans un climat de persécution par la tétrarchie qui dirigeait l’Empire romain. Le chroniqueur, Sulpice Sévère soutient qu’il était tenace, obstiné et courageux, mais simple et droit.
Seulement, lorsqu’il revint à Tongres, les habitants se révoltèrent contre lui.
Faut-il chercher les causes de cette rébellion dans les doctrines ou ailleurs. Toujours est-il que Servais dut s’en aller. Il se retira successivement à Utrecht, puis à Rome, puis à Worms, puis à Metz.
Lorsqu’il pensa que le temps avait probablement arrangé les choses, il retourna, sans hâte aucune, à Tongres, où il ne fut pas mal accueilli.
Ainsi, Servais apparaît comme un sage qui met à profit la durée et qui n’essaie pas d’aller à l’encontre de la fureur populaire. Il meurt à Tongres à l’âge de 84 ans.
Ses reliques furent transportées de Tongres à Maastricht, où se trouve son sarcophage dans une crypte visitée par plusieurs papes.
L’un des reliquaires de Saint-Servais est un buste d’argent du 16e siècle contenant son crâne, que les Maastrichtois appellent la Noodkist. Il se trouve dans un musée, où on peut remarquer une lourde châsse romane et des clefs de saint Pierre.
La principale manifestation du culte de saint Servais se déroule à Maastricht tous les sept ans depuis 1359, du 9 au 23 juillet.
Représenté en évêque (habits pontificaux, mitre en tête, crosse au poing) avec une clef d’argent, reçue des mains de saint Pierre lui-même, et une bête à ses pieds ; il est le Saint patron de 19 églises en Belgique.
La légende fait de lui un cousin du Christ, descendant de sainte Anne, la mère de la Vierge Marie.
Statue de Saint-Servais
Il est notamment invoqué, contre les rhumatismes, les fièvres, mais aussi pour préserver le bétail de la fièvre aphteuse et pour le bon succès des entreprises.
Voilà, brièvement résumée, l’histoire des trois saints de glace. On voit qu’ils n’ont rien fait, durant leur existence, qui les désigne à ce titre.
C’est le hasard qui les a ainsi gratifiés d’une renommée imprévue, en dépit de leur admirable ferveur et malgré leur zèle qui est tout autre.
L’imagination populaire a réponse à tout. S’Il fait froid au milieu du joli mois de mai. Alors, elle dit : ‘‘Ce sont les saints de glace ! ‘’. Les météorologistes répondent : ‘‘C’est la lune rousse ! ‘’.
Ce fut un homme bien ingénieux et prompt à conclure que celui qui le premier, un jour de mai, imagina d’appeler saints de glace l’ancien archevêque de Vienne, l’ancien évêque de Tongres et le neveu du vieillard Denis.
Nul ne sait qui fut aussi attentif au retour de la froidure printanière, mais sa trouvaille lui a survécu ; elle est charmante et elle rappelle à la science de ne pas pécher par trop d’assurance.
‘‘Méfiez-vous de saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais, car ils amènent un temps frais et vous auriez regret amer’’.
Affirme le dicton populaire,
qui ajoute aussi :
« Mamert, Pancrace, Servais sont les trois saints de Glace, mais saint Urbain les tient tous dans sa main. »
Texte proposé par Solange Bouvier
Sources et photos : La France pittoresque – Internet