OBJETS ET TRADITIONS
LE MAKHILA, BIEN PLUS QU’UN SIMPLE BÂTON…
Indissociable du Basque depuis plusieurs siècles, le makhila est un bâton en bois de néflier qui possède une pointe dans son manche.
C’est ainsi que les visiteurs le décrivent au 19e siècle.
Des aquarelles de cette époque témoignent de son lien étroit avec le Basque.
Le village de Larressore, dans les Pyrénées, abrite un atelier témoin de ces siècles d’histoire. Autrefois, ce village se trouvait sur un des chemins de Saint-Jacques- de-Compostelle et sur la route des échanges commerciaux entre la Navarre et l’Océan Atlantique (port de Bayonne).
C’est certainement dans cette localisation géographique qu’il faut chercher l’origine de cet atelier de fabrication.
Cela fait maintenant au moins sept générations que cette famille pyrénéenne transmet fidèlement, au sein de ce lieu, les savoir-faire et les règles de l’art indispensables à la fabrication d’un makhila artisanal.
Tout commence dans les forêts du Pays basque par le choix des arbres.
Au noisetier trop cassant, la famille préfère le néflier, un bois local choisi pour ces qualités de robustesse, légèreté et flexibilité.
Avant d’être abattu, l’arbre est incisé pour obtenir les dessins naturels de la canne, puis il est mis à sécher pendant dix ou vingt ans ! Blanc à l’origine, le bois qui sera travaillé offre un camaïeu de bruns, une métamorphose qui demeure un secret familial bien gardé.
Le bois est choisi en fonction de la personne qui commande le makhila (ici pas de stock mais juste du travail sur commande) ; ce dernier est adapté à la taille et au poids de son propriétaire pour favoriser la marche.
Pour la virole (bague en métal) on utilise l’or, l’agent ou du maillechort (alliage de cuivre, zinc, nickel inventé dans les années 1830).
La poignée est ensuite gainée de métal ou de cuir tressé.
Le makhila n’a jamais été considéré comme bâton de de berger mais bien un bâton de marche et il a toujours intégré une arme (pointe en acier bien cachée par le pommeau de corne ou d’acier qu’il faut dévisser pour la découvrir).
Pour achever cet objet unique, il reste à le personnaliser avec l’année de la fabrication, le nom et le prénom de son propriétaire qui peut aussi choisir un ornement spécifique, tel celui du mathématicien Cédric Villani qui est gravé d’une araignée.
Suite du texte en haut à droite
L’évolution des moyens de transport et des habitudes n’en font plus l’objet du quotidien qu’il était il y a plusieurs siècles.
Toutefois, quelle qu’en soit sa destination finale, le makhila est toujours fabriqué avec la même attention aux détails et les mêmes gestes ancestraux.
Exemple de gravage
Transmission et respect ne signifient pas que le makhila soit figé. On peut ainsi observer l’évolution du makhila :
De sa ligne, des décorations et symboles gravés dans le métal, du pommeau (élargi) dont l’ergonomie a été retravaillée pour mieux s’adapter à la main de l’homme.
Les viroles d’aujourd’hui sont plus grandes et plus ornementées.
On peut observer au Musée Basque de Bayonne, depuis 1924, une collection de makhilas de différentes époques.
Les différentes étapes de fabrication d’un makhila
Malgré la modestie de l’atelier de Larressore, beaucoup de photos jaunies montrent Ronald Reagan, Léon Zitrone, Charlie Chaplin, Georges Pompidou ou encore le pape, Jean-Paul II admirant leurs makhilas reçus en cadeau.
Comme tous les présidents français, Emmanuel Macron a reçu le sien, et ses invités au G7 de Biarritz en 2019 ont eu le leur !
Dans le respect de sa fonction première, le makhila reste, de par son processus de fabrication artisanal, l’objet utilitaire qu’il était à ses débuts.
Il fait d’ailleurs encore le plaisir de nombreux marcheurs. Loin d’être réservé uniquement aux Basques, le makhila est commandé par des marcheurs du monde entier qui reconnaissent son aide précieuse.
L’atelier reçoit ainsi de nombreux témoignages vantant les mérites de ce compagnon de marche.
Des marcheurs en pèlerinage de Saint-Jacques de-Compostelle l’utilisent, ramenant ainsi cet objet à son usage premier.
Le savoir-faire de sa fabrication dans l’atelier de cette famille est inscrit à l’Inventaire du patrimoine immatériel en France.
Charlie Chaplin, son makhila à la main
Texte proposé par Claudine Proriol
Source : Notre Temps Jeux
Aquarelle du 19e siècle, illustrant le costume basque et le makhila
‘’..Puis le bâton, meuble indispensable à un Basque ; un bâton de néflier, le gros bout par en bas,
garni de cuivre, le haut tenu au poignet par un cordon, et le bois entretenu d’un beau rouge brun’’,
écrit Prosper de Lagarde en 1835, dans son Voyage dans le Pays Basque et aux bains de Biarritz.