Page 4 - BATELLERIE DU RHONE ET CROIX DES MARINIER
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2. Des métiers éprouvants pour une économie florissante
Des milliers d’hommes, recrutés dans les villages et les marchés
riverains, constituaient une population vivant à l’écart des ‘‘gens
d’terre’’, avec ses propres coutumes, ses quartiers et ses fêtes. Le
halage engendrait tout au long du Rhône une économie florissante.
Chaque soir, les équipages faisaient escale. Toute une logistique se
mettait en place pour réparer les barges et les appareils de
navigation, ravitailler et soigner hommes et chevaux, garder les
embarcations…de nombreux métiers vivaient du halage, comme
les aubergistes, cordiers, fustiers, charpentiers constructeurs de
bâteaux, broquiers ou brochiers spécialisés dans le recrutement et
l’encadrement de haleurs qui étaient particulièrement nombreux à
Valence, ville considérée comme capitale du halage ou encore les
mariniers de terre coupant les arbres et dégageant les obstacles,
les compagnons de rivière employés à l’année pour effectuer les
travaux d’entretien et de garde des bateaux tout au long du fleuve,
les muletiers qui assurent le transport à terre des marchandises.
A l’origine, le terme de marinier désignait les hommes embarqués
Outils de mariniers
Photo © GEAH MORESTEL sur les convois, mais il s’est étendu à l’ensemble des intervenants
autour de la batellerie halée.
Aujourd’hui, le marinier est une personne salariée par opposition au batelier qui, lui, est
propriétaire de son bateau.
Les accidents de navigation n’étaient pas rares. Les naufrages n’épargnaient pas les ‘‘maîtres
du fleuve’’ évoqués par Mistral ou l’écrivain Robert Clavel et toutes les familles étaient
touchées par la mort. Les chevaux eux-aussi souffraient et se blessaient sur les berges
escarpées, les enrochements. Un courant vif pouvait les tirer vers le fleuve : aussi les
charretiers disposaient-ils d’un large couteau permettant de couper les énormes cordages de
tirage afin de sauver leurs chevaux de la noyade. Ces chevaux perdaient la santé en deux ou
trois années.
‘‘Les personnages mythiques, qu’ils soient bons ou mauvais, sont là pour rappeler les
dangers et les bienfaits du fleuve. Salvateurs ou protecteurs, malfaisants ou diaboliques, ils
sont là nombreux à habiter les rives et les profondeurs du Rhône. Les mariniers s’en méfient
autant qu’ils les vénèrent et les respectent. A celui qui tombe à l’eau les mariniers criaient :
recommande-toi à saint Nicolas, mais surtout nage ferme’’.
Ainsi, l’écrivain Bernard Clavel dans Le Seigneur du fleuve décrit-il cette navigation héroïque
qui disparut aux alentours de 1840 devant la concurrence des grands bateaux à vapeur à roues
à aubes.
Si Valence est considérée comme la capitale du halage, le village de Serrières en Ardèche peut
se prévaloir d’avoir fourni une belle lignée de mariniers illustres dont des maîtres d’équipages
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