Page 36 - VOYAGE A VERSAILLES JUIN 2017
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Le voyage de retour nous permet, après un peu de repos, de participer aux ‘‘jeux pour passer le temps’’
proposés par Claudine (quiz, rébus et autres) et d’écouter quelques histoires notamment celle très
touchante de Louise de Lavallière, appelée ‘‘la violette de Touraine’’ :
Louise de Lavallière, ‘‘la violette de Touraine’’
‘‘Louise-Françoise de la Baume Le Blanc est née à Tours en 1644 dans une famille de petite noblesse.
Elle avait gardé, de son doux pays de Loire, la modestie d’une violette. Mince, blonde et de petite taille,
elle est loin de posséder ce que l’on appelle la beauté. Mais elle avait de beaux yeux bleus et les plus
jolies épaules du monde. Elle boitait légèrement depuis qu’un âne lui avait meurtri la cheville
lorsqu’elle était enfant.
La seconde fois qu’elle rencontra le roi, il s’ennuyait à Blois et voulait semer le doute dans l’esprit de
la famille : non, il n’avait pas de maîtresse.
Il chercha donc ce que l’on appelle un chandelier, et pourquoi pas cette jeune fille de 17 ans qui venait
de sa province, dame d’honneur d’Henriette d’Angleterre, sa belle-sœur qui était sa véritable cible !
Il fut donc aimable avec le laideron boiteux, charmant comme lui seul savait l’être. Elle serait un
merveilleux paravent pour ses amours secrètes. Mais ce fut lui qui s’égara dans l’extrême sincérité de
ce regard qui le rendait beau. On aime pour moins que cela.
L’orage éclate ce jour-là dans le jardin du château de Blois, les courtisanes relèvent leurs jupes et
partent en courant. Le roi s’apprêtait à les suivre, il avait serré son habit autour de lui. Mais il vit Louise-
Françoise se rapprocher d’un arbre. Il se fit violence. Il avait besoin d’elle. Egarer les soupçons, justifiait
bien quelques gouttes de pluie. Il ne s’agissait pas de la laisser en plan, elle boitait, il s’adapterait à son
pas. Elle claquait des dents, mais tout son visage riait sous la pluie diluvienne, tachant sa robe,
aplatissant sa chevelure, faisant couler sur ses joues des perles d’eau.
‘‘ L’eau du ciel est comme une rosée, sire ’’ avait-elle dit. Il se surprit à rire avec elle.
Elle l’aimait en secret depuis sa présentation à la cour. Elle le lui dit tout simplement, sous l’orage, son
clair regard dans le sien : ‘‘Je vous aime depuis que je suis enfant’’. Elle était encore une enfant à
17 ans. ‘‘Je pense à Dieu et à vous’’. Et encore : ‘‘Je ne suis venue à la Cour que pour vous le dire, sire ‘’.
Que s’est-il passé ? Est-ce la foudre qui est tombée sans que personne ne s’en
aperçoive ? Il l’emmena dans sa chambre où, avec son extrême candeur, elle enleva
sa robe comme si elle se livrait à Dieu, nue et innocente. ‘‘Je suis à vous, pour toujours,
sire ‘’. Il eut une légère hésitation, très légère. Avant de caresser ses épaules et la
coucher comme une très douce enfant sur le lit couronné. Elle poussa juste un petit
cri étouffé en lui demandant pardon. Il essuya, avec un infime remords de roi, les deux
larmes qui avaient glissé sans qu’elle le souhaite.
Fouquet, l’intendant du roi, lui proposa une ‘‘gratification’’ de 20 000 pistoles. D’un geste gracieux,
elle l’écarta. Elle ne voulait rien, rien d’autre que l’amour du Roi. Sa modestie la perdit. Le Roi fut
subjugué par une beauté, la fameuse Athénaïs, devenue la marquise de Montespan. Louise commença
à souffrir. La Montespan décida d’abattre la mijaurée boiteuse, comme elle l’appelait.
Louise essuya humiliation après humiliation, digne, silencieuse. Le Roi la nomma duchesse de
Lavallière. Louise ne se battit pas. Elle décida d’entrer au Carmel où elle expierait cette passion de chair
dont elle était punie par l’éloignement du Roi. Dieu lui montrait le chemin.
Elle entra au carmel à 30 ans, sous le nom de Louise de la Miséricorde.
Elle espérait une mort rapide, elle s’éteignit trente-huit ans plus tard après un combat de tous les
instants, contre cet amour qui l’habitait, comme une fleur épuisée, un portrait du roi et la croix du
Christ contre son cœur.
Le Roi, bouleversé et repentant, pleura, et fit mettre, sur sa table de nuit, un bouquet de ces délicates
fleurs d’un violet profond, au parfum si tenace. Elles ne poussent qu’à l’ombre en Touraine’’.
Claudine Proriol avec la collaboration d’Annie Gaudin
Bibliographie :
- Versailles de Béatrix Saule et Mathieu da Vinha
- Histoire d’amour de nos régions - Editions Arcadia
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