Page 8 - DE L'EPIPHANIE A LA GALETTE DES ROIS
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seuls, se sont plaints les gens qui avalaient sans sourciller la légumineuse afin de ne pas
                   payer ‘‘quelque chose’’.
                   Puis, la galette n’étant pas du goût de tout le monde voulant néanmoins tirer les Rois,
                   les pâtissiers ont depuis longtemps pris l’habitude de glisser une fève – en porcelaine,
                   toujours – dans les gâteaux de diverses sortes. Et comme certaines personnes trouvent
                   dans le renouvellement de la fête une aimable distraction, ce n’est plus seulement la
                   veille  et  le  jour  de
                   l’Epiphanie que les gâteaux
                   en sont garnis, mais encore
                   durant  tout  le  mois  de
                   janvier.
                   Le  gâteau  des  rois,  qui  a
                   connu bien des vicissitudes
                   dont    il   a   triomphé,
                   subsistera       longtemps
                   encore, n’en doutons pas.
                   Depuis  la  charte  de  1311,
                   où     il    se    trouvait
                   officiellement  nommé,  il
                   eut  des  fortunes  diverses ;
                   après avoir été l’occasion de réjouissances, aussi bien parmi le peuple qu’à la cour du
                   Roi-Soleil, il fut l’objet des délibérations du Parlement qui, en 1711, à cause de la famine,
                   le proscrivit afin que la farine, trop rare, fût uniquement employée à faire du pain.
                   Son nom même était un danger quand vint la Révolution et Manuel, du haut de la tribune
                   de la Convention, tenta d’obtenir que le gâteau des Rois fût interdit ; mais la galette
                   triompha du tribun. Il est vrai que, peu après, un arrêté de la Commune ayant changé le
                   jour des Rois en jour des sans-culottes, le gâteau n’avait plus sa raison d’être, mais cette
                   disparition ne fut que momentanée, et il reparut sur toutes les tables familiales dès que
                   les temps furent moins troublés’’, conclut le chroniqueur de La Tradition.

               En 1909, les boulangers parisiens n’avaient toujours pas réussi à obtenir de ne plus offrir
               gratuitement la galette, ainsi le journal Le Petit Parisien, dans un entrefilet paru le 7 janvier,
               nous apprend que décidément, rien ne prévaut contre la tradition.
                   ‘‘Et c’est heureux, ajoute-t-il. Les Parisiens ne se consoleraient point de la suppression
                   de la galette des rois, appétissante, croustillante, que les boulangers leur offraient, de
                   temps immémorial, en manière d’étrennes.
                   L’an  dernier  (1908),  poursuit  Le  Petit  Parisien,  invoquant  les  charges  nouvelles  et
                   notamment l’application du repos hebdomadaire dans les fournils, la chambre syndicale
                   de la boulangerie avait décidé de supprimer la galette des rois. Ce fut là une grosse
                   déception,  si  grosse  même  que  les  boulangers  n’ont  point  voulu  pour  la  plupart
                   renouveler la tentative.
                   Les porteuses y trouveront leur profit, et ce sera justice ! s’exclame le journaliste.
                   Les rudes travailleuses tôt levées, qui chaque jour, sans relâche, gravissent mille étages
                   pour livrer notre pain quotidien, bénéficiaient de largesses provoquées par l’offre de la
                   mirifique galette. Les salaires ne sont pas gros, en revanche, les temps bien durs et l’hiver
                   bien rigoureux.’’




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